Ecouter ou parler, réagir ou réfléchir : Le défi de la connaissance et du management
La connaissance est un vrai défi à une époque où l’étendue des arts et des cultures, la complexité des sciences et des technologies, la variété des sujets de société est à l’échelle mondiale.
L’érudition au sens de l’accumulation des connaissances, cette connaissance dite encyclopédique, est devenue rare, surement un peu inutile aussi du fait que l’accès aux informations s’est développé pas tant par les livres que par internet qui ouvre à une « culture de masse ». Mémoriser une information devient moins nécessaire que de savoir la trouver sauf pour ceux qui ambitionnent de gagner un jeu télévisé, de briller en société ou de passer une épreuve de culture générale.
Néanmoins, ne plus chercher à accumuler les connaissances semble aussi avoir fait perdre une certaine curiosité intellectuelle, et plus encore, la réflexion que la connaissance doit induire chez celui qui la reçoit.
En effet, s’ouvrir à la connaissance comme s’ouvrir aux autres doit aider à la compréhension de la complexité des choses, à l’acceptation de la différence des points de vue, à la réflexion autonome.
Ce processus intellectuel aboutit généralement pour celui qui le pratique à la nuance dans les propos et à la modestie dans le comportement. Les philosophes grecs enseignaient déjà que tout ce que l’on sait, c’est qu’on ne sait rien.
Ecouter permet d’apprendre
La connaissance étant accessible par tous et tout le temps, chacun se pense donc « sachant ».
Qui accepte encore aujourd’hui l’idée d’avoir à apprendre, et surtout à apprendre de l’autre ? « Je n’ai pas de leçon à recevoir », phrase largement entendue en particulier chez des politiciens de tout bord qui se prévalent donc d’être omniscients, généralement les mêmes qui reprochent aux autres d’être suffisants, distants, égocentrés et incompétents…
Non seulement chacun prétend savoir, mais certains se disent experts dès qu’ils jugent en connaître un peu plus que leurs voisins. Les médias nous montrent de beaux exemples de ces pseudo experts, souvent bien péremptoires dans leurs propos, mais aussi bien peu convaincants par l’absence de démonstration méthodique et objective. Malheureusement, qui se soucie vraiment de l’objectivité de l’analyse ?
Il semble donc utile de rappeler que parler enrichit moins sa connaissance qu’écouter l’autre.
Parler permet d’exister
Malheureusement, au-delà des connaissances que chacun a vraiment, des idées qu’on défend, l’important pour nombre de personnes est de parler pour exister. La médiatisation sur les réseaux sociaux comme les chaines d’info en continue nécessitent une prise de parole (écrite ou orale) permanente, une information chassant quasi instantanément la précédente.
De fait, dans ce monde de communication immédiate où le dernier qui a parlé a raison, le contenant devient plus important que le contenu. C’est l’avènement du slogan, de la petite phrase qui marque les esprits, le règne des beaux parleurs plus que des vrais sachants.
Certes, la bataille des égos fait rage partout, et la recherche de profit et d’influence prime souvent au détriment de l’intérêt général. Dans ce contexte, il s’agit de s’exprimer sur tout et tout le temps, et non de ne parler qu’à bon escient, et de n’affirmer que ce que l’on sait vraiment.
Même pour ceux qui n’ont rien à gagner dans cette communication outrancière, il s’agit plutôt de faire comme « tout le monde », parler « cash » pour exister.
Accepter de rester modeste sur son savoir et modéré dans ses affirmations, reconnaître ses lacunes et écouter les autres, est pour beaucoup un aveu de faiblesse, un comportement désuet, que seuls des « sages » peuvent se permettre. Et même une partie des « sachants » semble prêt à sacrifier la rigueur scientifique, la démarche méthodique, sur l’autel de la médiatisation ambiante.
Réfléchir au lieu de réagir
Il faut reconnaître qu’au quotidien, ces comportements excessifs et arrogants, qu’ils soient émis par des personnalités comme par de simples citoyens, font souvent suite à une demande de « réaction ».
On ne peut que regretter cette démarche courante qui consiste à « réagir » à une information, à un évènement et non à y « réfléchir ». L’émotion est mauvaise conseillère et engendre souvent des comportements et des propos inappropriés, des affirmations fausses, alors que la réflexion conduirait à plus de retenue et donc à plus de vérité.
Certes, on ne peut pas toujours échapper à l’actualité et prendre – autant qu’on le souhaiterait – le recul nécessaire face à une situation complexe.
Néanmoins, on peut toujours éviter les erreurs de la brutalité des propos, des phrases péremptoires. Reconnaître ne pas avoir réponse à tout et tout le temps est un bon début pour devenir un manager « sage ».
Pour conclure cette petite réflexion
Il est utile de rappeler que, dans une vie professionnelle rythmée par des agendas surchargés et une vision court-termiste, le temps de formation est souvent l’occasion de prendre de la hauteur, de remettre en question son comportement et ses certitudes, d’écouter d’autres points de vue, et de réfléchir en inscrivant sa démarche personnelle dans une approche globale et un temps long.
Pour le formateur également, il ne s’agit pas de transmettre un savoir mais d’accompagner « modestement » le stagiaire à se poser des questions, à faire émerger dans le groupe la diversité des opinions, et, enfin, à conduire chacun à mener objectivement sa propre réflexion pour rechercher ses propres réponses.
Participant ainsi au développement des qualités managériales, des relations professionnelles, et donc à la qualité de vie en entreprise, depuis des années, il est devenu évident pour Gerusia que l’écoute et la réflexion sont des qualités premières que le manager doit pratiquer et que le formateur doit enseigner.
Bien sûr le charisme et les qualités d’expression seront des atouts très utiles dans la relation à l’autre, sous réserve que ces qualités soient au service de propos nuancé et d’un comportement modéré. Accepter de ne pas savoir et savoir écouter l’autre reflètent bien plus la valeur d’un manager que l’arrogance de son ignorance.